Bruno Vercken, Directeur des conditions de travail, de la sécurité et de la santé chez Danone, nous explique comment l’entreprise a déterminé et déployé, en co-construction avec ses collaborateurs, les 5 piliers de sa démarche de qualité de vie au travail.
Comment est née l’idée de déterminer les piliers de la QVT chez Danone ?
Cette idée a émergé en 2014 lorsque nous avons ressenti le besoin de revoir notre programme de sécurité au travail qui datait de 2003. Pour tenir compte de l’évolution de notre accidentologie et susciter l’adhésion de tous nos collaborateurs, quel que soit leur poste, nous avons décidé de prendre en compte tous les risques, c’est-à-dire les risques physiques, mais aussi ceux psychologiques, par exemple liés à la charge mentale. Notre approche s’est appuyée sur la définition de la santé donnée par l’OMS qui met en avant un aspect social et organisationnel, donc collectif et pas seulement individuel.
Concrètement, comment avez-vous procédé pour identifier ces différents piliers ?
Nous avons interrogé des collaborateurs, de tous âges et de toutes fonctions, dans plusieurs pays : les États-Unis, le Mexique, la Russie, la Hollande, la Chine … Nous les avons questionnés lors d’ateliers sur leur vision du bien-être et du mal-être au travail, sur leur charge mentale, leurs sources de motivation, etc. Nous avons été surpris par les similitudes. Par exemple, la réunionite n’est pas un mal français ! C’est un élément qui a été très souvent évoqué, comme la sensation de travailler dans une urgence permanente. Autres points communs, positifs cette fois : l’impression que chez Danone, chaque individu compte, que l’impact de chacun est essentiel ou encore l’adhésion forte au projet porté par chaque marque. À l’issue de ces ateliers, un séminaire collaboratif a été organisé à Paris pour établir les la stratégie et les priorités QVT. C’est à cette occasion que nos cinq piliers en matière de QVT ont été définis. Ils s’avèrent être dans la lignée des six axes développés par le Rapport Gollac.
Pouvez-vous nous les détailler ?
Oui, bien sûr, les voici :
– Des manières de travailler saines et efficaces. Ce premier pilier regroupe le droit à la déconnexion, l’organisation des réunions après 8h du matin et avant 18h, le développement du télétravail, le respect des temps de repos, l’intelligence collective… On délaisse le micro-management pour la confiance.
– La valorisation du travail au quotidien. C’est le pilier central, le cœur de notre dispositif. Pour reprendre les propos d’Yves Clot, psychologue du travail, « il n’y a pas de stratégie du bien-être sans stratégie du bien-faire ». Concrètement, cela passe par la reconnaissance et la protection de tout ce qui permet de bien faire son travail qu’il s’agisse des compétences, des normes de qualité ou des outils, la célébration des succès, de l’attention managériale, etc.
– L’assurance d’un rythme de travail soutenable. Innover et se transformer sont des nécessités, mais cela ne doit pas se faire au détriment de nos ressources et de leur pérennité. L’attention est ici portée au portefeuille et à la gestion de projets, à l’utilisation soutenable des ressources, ou encore au turn-over.
– Le management attentionné. C’est sur lui que repose en grande partie la régulation du travail entre le bien travailler quotidien d’une part, et les projets de transformation / innovation, d’autre part. C’est aussi lui qui anime le respect des manières de travailler saines et efficaces dans l’équipe, assure le sentiment d’appartenance, fixe les directions et donne du sens. Cela demande un management authentique et de proximité, qui fait attention à ses collaborateurs et au collectif de travail.
– Un environnement de travail sain et agréable. C’est un pilier qui regroupe des actions sur l’alimentation, le sport, le sommeil, des services comme la conciergerie et des séances de méditation…. Ce pilier intègre aussi la qualité des espaces de travail et la présence sur site d’équipes pluridisciplinaires de prévention Santé et Sécurité (médecins, infirmières, psychologues, ergonomes, assistantes sociales, préventeurs)
Comment faire pour que ces piliers ne restent pas de la théorie ?
En France, nous avons adopté de nouveaux accords QVT en 2017 qui reprennent nos cinq piliers. Nous avons été alors conseillés par l’ANACT. Chaque pilier s’incarne au quotidien dans des comportements et des pratiques très concrètes. A l’international, nous encourageons chaque filiale à piloter sa démarche QVT pour progresser. Nous déployons également progressivement des workshops et formations pour les managers afin de les sensibiliser et de les outiller pour favoriser le bien-être de leurs équipes. Tout dernièrement nous avons été conduits à bâtir une action spécifique pour la fonction RH, qui se trouve au cœur du sujet de la QVT, comme sujet pour elle-même et comme acteur au service des autres employés. Mais l’essentiel pour réussir, c’est l’engagement du Top management.
Quels seraient vos conseils pour agir en faveur de la QVT ?
Pour moi, mettre le travail au cœur du dispositif est fondamental. Assurer les conditions pour permettre un travail de qualité est ce qui permet de réconcilier l’employé, le manager, le client, et au-delà, l’actionnaire, ce qui permet de réconcilier QVT et performance durable. La démarche participative pour élaborer la politique de QVT est, bien sûr, aussi une clé du succès. Qui de mieux placés que les principaux intéressés pour savoir ce sur quoi il faut agir ?
Avis d’Empreinte Humaine
Danone a adopté cinq piliers qui sont les fondements de la qualité de vie au travail. S’il est en effet important de prendre soin des personnes, les ateliers à l’international ont mis en lumière qu’il faut aussi prendre soin du travail et du management. L’approche de Danone qui est d’offrir un travail et un management de qualité est de plus en plus considérée comme un incontournable et un prérequis à l’efficacité des actions de prévention qui visent le bien-être, le bien-vivre et le bien faire. Trois composantes essentielles à la santé des personnes et des organisations.