Compte-rendu du webinaire du 17 octobre 2024 animé par Jean-Pierre BRUN, Expert-Conseil, Empreinte Humaine
La reconnaissance au travail est un sujet qui, bien qu’évoqué depuis des décennies, reste au cœur des préoccupations contemporaines. Dans un contexte où la santé psychologique des salariés montre des signes de fragilité, la reconnaissance joue un rôle central. Il est souvent simpliste de la réduire à des « merci », des « bravo » ou des félicitations, alors qu’elle englobe bien plus que cela. Jean-Pierre Brun, expert en psychologie du travail, nous invite à approfondir cette question pour passer d’une culture de la gratitude à une véritable ère de la considération. Cet article explore les deux niveaux de reconnaissance et les quatre formes principales qui la composent, tout en soulignant l’importance de ce passage.
Constat
Le constat est clair : malgré de nombreuses initiatives, beaucoup de salariés continuent de se sentir non reconnus dans leur travail. Les enquêtes réalisées par Empreinte Humaine révèlent que 42% des salariés sont exposés à une détresse psychologique (forte ou modérée). Parmi eux, une majorité pointe du doigt l’absence de reconnaissance. Si la gratitude, à travers les remerciements ou félicitations, est relativement présente dans les entreprises, ce sentiment d’incomplétude témoigne d’un manque profond : celui de la considération. Il y a donc un écart entre ce que les organisations pensent offrir et ce que les salariés perçoivent comme une reconnaissance véritable.
Les deux niveaux de reconnaissance (gratitude et considération)
La reconnaissance se décline en deux niveaux principaux : la gratitude et la considération.
- La gratitude, le premier niveau, se traduit par des expressions visibles et ponctuelles comme des « merci », des félicitations ou des prix lors de cérémonies. C’est un acte bienvenu, mais souvent insuffisant pour nourrir pleinement le besoin des salariés.
- La considération, quant à elle, va au-delà de la simple reconnaissance visible. Elle se manifeste par une écoute attentive, la possibilité pour l’employé de s’exprimer sur son travail, de participer aux décisions, et un véritable engagement dans son développement. Ce deuxième niveau est plus profond, continu et, surtout, il répond aux attentes existentielles des collaborateurs : être perçus non seulement pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils peuvent devenir.
L’évolution de la relation employé/entreprise
Cette distinction entre gratitude et considération s’inscrit dans une transformation plus large de la relation entre l’employé et l’entreprise. Jean-Pierre Brun souligne que, par le passé, cette relation était avant tout contractuelle, avec l’idée d’un « emploi à vie » garantissant stabilité et sécurité. À cette époque, un bon employeur était simplement celui qui offrait une carrière stable. Cependant, avec l’évolution du management et la psychologie du travail, cette relation a pris une nouvelle tournure. Aujourd’hui, ce n’est plus uniquement la stabilité qui importe, mais la reconnaissance de l’individu en tant que citoyen organisationnel, participant actif de la vie de l’entreprise. Les collaborateurs cherchent à être reconnus non seulement pour leurs résultats, mais aussi pour leurs compétences, leur engagement et leur potentiel. Cette nouvelle approche met en lumière l’importance de la considération dans les relations professionnelles, un élément clé pour garantir l’épanouissement et l’engagement à long terme des employés.
Les quatre pratiques de reconnaissance
Jean-Pierre Brun identifie quatre pratiques essentielles de reconnaissance, qui répondent aux besoins fondamentaux des salariés. Ces pratiques, plus liées à la considération, sont souvent négligées, bien qu’elles soient vitales pour la santé psychologique et l’engagement au travail :
1. L’autonomie dans le travail : Offrir la possibilité aux salariés de prendre des décisions et de s’organiser dans leur travail est une marque forte de considération. Cela contribue à leur sentiment d’exister dans l’organisation.
2. Le développement des compétences : Permettre aux employés de progresser et d’acquérir de nouvelles compétences valorise leur potentiel et montre qu’ils sont vus comme des membres en évolution de l’entreprise.
3. La consultation avant les décisions : Demander l’avis des salariés, les impliquer dans les décisions les concernant, crée un sentiment d’appartenance et de reconnaissance de leur expertise.
4. Une rémunération juste et alignée avec les compétences : Il ne s’agit pas seulement de salaires plus élevés, mais de récompenser les compétences et la valeur ajoutée de chacun.
Ces pratiques constituent des leviers puissants pour développer une véritable culture de la reconnaissance dans les entreprises. Toutefois, pour bien comprendre les dynamiques sous-jacentes de cette reconnaissance, il est essentiel de s’intéresser aux différentes formes qu’elle peut prendre. Jean-Pierre Brun distingue quatre formes de reconnaissance, chacune adressant des besoins spécifiques des collaborateurs et contribuant à renforcer leur bien-être psychologique et leur engagement.
Les quatre formes de reconnaissance au travail
En complément des pratiques, Jean-Pierre Brun rappelle que la reconnaissance peut se manifester à travers quatre formes :
1. La reconnaissance existentielle : Elle valorise les qualités humaines intrinsèques de la personne, indépendamment de ses performances. Elle reconnaît des traits comme l’empathie, l’esprit d’équipe ou la capacité à instaurer un climat de travail positif.
2. La reconnaissance des résultats : Elle célèbre les accomplissements liés aux objectifs fixés et le succès des missions. Cette forme met en avant les résultats mesurables et les performances concrètes des collaborateurs.
3. La reconnaissance de la pratique du travail : Elle met en avant la manière dont le travail est accompli, en soulignant la rigueur et la qualité du processus. Même si les résultats finaux ne sont pas toujours parfaits, la façon dont le travail est mené reste valorisée.
4. La reconnaissance des efforts : Elle récompense l’investissement personnel et l’énergie déployée, même en l’absence de résultats immédiats. Cette forme montre que la persévérance, les initiatives et l’engagement sont appréciés, au-delà des seuls objectifs atteints.
NOUS TENDONS VERS UNE ÈRE DE LA CONSIDÉRATION
Dans les organisations d’aujourd’hui, il est indispensable de comprendre que la reconnaissance ne se limite pas à des gestes ponctuels de gratitude. Nous entrons dans une ère où la considération doit devenir centrale. La reconnaissance en continu des compétences, des efforts et de l’existence même des salariés est ce qui fera la différence entre une organisation performante et une organisation en difficulté. Il est temps d’élargir notre compréhension de la reconnaissance pour inclure toutes ses dimensions et construire des environnements de travail où les employés se sentent véritablement considérés.