Nombreux sont les articles sur la marque employeur ou sur les risques psychosociaux. Mais rarement ces deux sujets sont traités ensemble. Cet article propose de mettre en évidence les liens existants entre Qualité de Vie au Travail (QVT) et réputation des entreprises.
La réputation des entreprises de moins en moins contrôlable
Un sondage (ACE european risks briefing 2013) montre que 92% des entreprises considèrent que le risque de mauvaise réputation comme la catégorie de risque la plus difficile à gérer. Dans le même temps, elles sont 81% à estimer que leur réputation est leur actif le plus précieux. Parmi les premiers éléments susceptibles d’entacher leur réputation, 40% des interrogés disent que les mauvaises conditions de travail des employés sont les premiers risques.
La marque employeur: un outil au service de la fonction RH
Face aux enjeux d’attractivité auprès des candidats, de fidélisation de salariés et de réputation de leur entreprise, les politiques RH ont parmi leurs outils la marque employeur. Par elle, la fonction RH entend reprendre à son compte des outils du marketing produits/ services. Elle considérerait les salariés comme des consommateurs et aurait pour objectif de les satisfaire, de leur rendre un service RH de qualité. Objectifs : les fidéliser et/ ou les engager à maintenir leurs efforts positifs pour l’entreprise. Toujours par analogie, les candidats, cibles de recrutement, sont des prospects à séduire. Un autre récent sondage (Trexia/ JDN) montrait que 82% des RH interrogés jugent pertinent de considérer le salarié comme un client.
Ainsi, la marque employeur peut être définie comme l’image d’une entreprise auprès de ses « cibles » de recrutement (image externe) et ses salariés (image interne). Très souvent la marque employeur reste un outil de communication RH reposant sur de couteuses affiches, sites internet, Kakemono et autre goodies… Autant de supports très « top down » visant à convaincre salariés et candidats. Rappelons ici que l’avènement des chaines télévisuelles d’information continue, du web 2.0 (réseaux sociaux en particulier) renforce l’influence des salariés sur la réputation employeur de l’entreprise. La prise en parole est plus libre, directe, visible, rapide en particulier lors d’une « crise humaine ». Et sa maîtrise encore plus difficile.
Face à ces évolutions, à ces nouveaux risques réputationnels, nombre d’entreprises ont compris que la Qualité de Vie au Travail était un ressort important.
La QVT : conditions (de travail) de réussite
Selon la théorie de l’échange social et de réciprocité (Blau, 1964), un individu A faisant preuve de générosité envers B attend en retour une rétribution, un « renvoi d’ascenseur » ou une forme de reconnaissance => si je donne beaucoup, j’en attends beaucoup. Le contrat psychologique, par définition implicite, est une forme de relation d’échange entre l’entreprise et son collaborateur. Si vous attendez de la performance durable, de la loyauté voire de la fidélité de vos salariés, elles ne décrèteront pas mais devront être suscitées.
Comment y parvenir? En les rendant fiers de leur travail, de leur entreprise, de leur collègues et managers. Ils seront dès lors les meilleurs ambassadeurs de votre marque employeur. Pour y parvenir, managers, prenez soin d’eux et de leur travail ! Et vous serez en droit d’exiger la pareille envers leur entreprise. Ainsi, exiger un fort engagement de vos salariés passera nécessairement par une allocation de ressources, de moyens et des conditions de travail favorables.
Que se passe-t-il lorsque ce n’est pas le cas?
Exemple 1. C’est l’entreprise X qui affiche une vitrine sociale de partage et de solidarité mais qui développe une politique de reconnaissance valorisant la performance individuelle au détriment de relations de soutien entre collaborateurs. Il est possible d’entendre: « Tout cela c’est de l’affichage…« . Ce qui peut marquer une des causes de rupture de confiance, de crédibilité qui est à la base de la relation du contrat psychologique entre l’entreprise et le salarié.
Exemple 2. Il en est de même pour un candidat (externe ou interne) idéalisant un poste et dont la déception engendrée est aussi forte que l’attraction initiale. Apparaît alors potentiellement un désinvestissement synonyme de moindre efficacité qui peut s’exprimer de la façon suivante :« Je reste dans cette entreprise faute de mieux, pour ses avantages, rien d’autre ». Reste au manager à le mobiliser…
Exemple 3. C’est cette banquière qui a une idée valorisée du métier de conseiller et qui a le sentiment de devoir vendre un téléphone mobile dernier cri à madame Michu qui n’en a pas l’utilité. Le prix à payer peut être un ressenti de conflit éthique de la salariée qui souhaite démissionner.
Se centrer autour du réel du travail, du vécu par les salariés est une étape nécessaire. Innover dans la Qualité de Vie au Travail semble urgent.
Parce que la QVT repose aussi sur le recrutement, il importe que l’image renvoyée de l’entreprise soit la plus fidèle possible à la réalité. Un des écueils à éviter, nous l’avons vu, serait l’incohérence entre image de marque (explicite ou interprétée) et « l’expérience collaborateur ». Un autre serait d’attirer des salariés qui ne sont pas en phase avec votre culture organisationnelle.
Le client heureux peut devenir un prescripteur d’achat. Un salarié satisfait aura une influence positive auprès de ses pairs (collègues, connaissances…). A l’inverse, le consommateur/ salarié attiré par une publicité vécue comme mensongère sera déçu à la hauteur de ses attentes et avoir un impact négatif sur la réputation de l’entreprise.
Chacun a pu faire l’expérience ou entendre un collègue se plaindre de comportements en contradiction avec les valeurs de l’entreprise, de chartes affichées qui sont autant de déclarations de bonnes intentions sans application réelle, ou de sentiment de promesse non tenue, ou encore, de manque d’exemplarité (« Ils nous demandent de porter des équipements de sécurité dans les ateliers et eux ne le font pas »). D’où l’importance de la cohérence entre discours et actes, valeurs prônées et vécues…
Une entreprise ne se souciant pas de l’ « expérience salariée », peut être confrontée à une « coupure » avec ses forces vives liée à une dissonance vécue par les collaborateurs. Notons ici un concept émergent d’ERM pour la « relation employé » par analogie au CRM, outil de la relation client, montrant le besoin de mieux appréhender les attentes des salariés.
La QVT : trait d’union entre expérience salariée et l’entreprise
Nous en arrivons à notre conclusion: faire converger attentes des salariés et leur vécu est aussi important que de mettre en cohérence la marque employeur avec celle du produit et service. Rendre fiers les collaborateurs passe par l’expérience, la preuve dans le quotidien de leur travail (satisfaction d’un travail bien fait, reconnaissance de mon manager, relations agréables avec mes collègues, conscience de l’utilité de ma mission…). La QVT est donc une des solutions pour la marque employeur.
La porte d’entrée de la QVT est le travail et le management en eux-mêmes. Agir dans l’écosystème proche de l’équipe de travail est le meilleur moyen de mettre en adéquation le vécu des salariés et les valeurs de l’entreprise par la preuve visible et concrète. C’est là où doivent se concentrer les actions en matière de Qualité de Vie au Travail pour faire écho à une marque employeur plus corporative.