Pour ce troisième épisode, Christophe Nguyen et Jean-Pierre Brun nous entraînent au cœur d’un enjeu très actuel : comprendre comment les individus peuvent mieux gérer leur stress… et comment les organisations peuvent réellement les y aider.
C’est avec notre invité Simon Coulombe, professeur agrégé à l’Université Laval, spécialiste reconnu de la santé mentale, des approches communautaires et des stratégies d’autogestion que nous entrerons dans la thématique. À travers ses travaux, il explore comment les individus peuvent reprendre du pouvoir sur leur santé mentale… sans tomber dans l’injonction à “se débrouiller seul”.
Pourquoi parler d’autogestion de la santé mentale au travail aujourd’hui ?
Le monde du travail traverse des transformations rapides : intensification, complexité, exigences émotionnelles, tensions de rôle… Dans ce contexte, la capacité à prendre soin de soi devient essentielle.
Mais Simon Coulombe rappelle une idée clé :
« L’autogestion n’est ni une recette miracle, ni une délégation de responsabilité. C’est un levier qui fonctionne seulement si les organisations jouent leur rôle. »
Le parcours de Simon Coulombe : quand le vécu personnel rencontre la recherche
Formé en psychologie communautaire, Simon a été sensibilisé très tôt à la prévention, à l’approche systémique et à la promotion du bien-être.
Pendant son doctorat, confronté à des difficultés anxieuses, il découvre l’organisme québécois Revivre / Relief — pionnier dans l’accompagnement à l’autogestion.
Ce lien deviendra fondateur :
- d’abord comme bénéficiaire,
- puis comme collaborateur,
- et aujourd’hui comme titulaire de la Chaire de recherche Relief en santé mentale, autogestion et travail.
C’est dans cet espace que se développent des outils, programmes et recherches pour aider les travailleurs et les managers à mieux comprendre ces stratégies.
Autogestion : de quoi parle-t-on exactement ?
Pour Simon Coulombe, l’autogestion regroupe toutes les stratégies intentionnelles qu’une personne peut mettre en place pour :
- réduire les difficultés psychologiques,
- prévenir la rechute,
- maintenir un niveau de bien-être satisfaisant,
- ou traverser une période de stress.
Ces stratégies sont variées :
- méditation ou pleine conscience,
- résolution de problèmes concrets,
- activités sociales,
- temps en nature,
- habitudes de vie,
- soutien professionnel,
- exercices de gratitude,
- rééquilibrage cognitif, etc.
L’enjeu est moins “la bonne technique” que la prise de conscience : savoir ce qui fonctionne pour soi, à quel moment, et comment l’intégrer dans son quotidien.
Les deux écueils à éviter : culpabiliser la personne… ou oublier l’organisation
Le message de Simon est clair :
« L’autogestion ne remplace en rien la prévention des risques psychosociaux. »
Elle s’inscrit en complément des actions organisationnelles.
Car dans de nombreux milieux de travail, les rythmes, charges ou contraintes rendent parfois difficile la mise en place de pratiques individuelles.
On ne peut donc pas demander à une personne :
“Gère ton stress”… alors que la charge explose et que le cadre ne permet pas de souffler.
Le risque : transformer l’autogestion en injonction paradoxale, voire en culpabilisation.
D’où l’importance d’ouvrir un espace de dialogue sur les conditions réelles de travail et de soutenir, en parallèle, des démarches organisationnelles.
Quelques pratiques simples et réalistes à intégrer au quotidien
Simon partage plusieurs pistes qui ne demandent ni technologie coûteuse, ni temps démesuré :
- La pleine conscience “mini format”
Quelques minutes d’attention portée à sa respiration ou à un point d’ancrage — dans les transports, entre deux réunions, ou en transition — suffisent déjà à réduire la charge cognitive.
- Le soutien social
Prendre un café avec un collègue, échanger deux minutes, offrir un coup de main : ces gestes simples jouent un rôle majeur dans la régulation du stress.
Les recherches montrent même que donner du soutien procure souvent autant de bénéfices psychologiques qu’en recevoir.
- L’approche des “4P” (comme nommée par Jean-Pierre Brun) : le plus petit pas possible
Avancer en douceur, en choisissant une seule action, simple et tenable, pour éviter d’ajouter de la pression à la pression.
- Les moments de recul réflexif
Identifier ce qui nous aide, ce qui nous met en tension, ce qui pourrait être ajusté. De courtes pauses réflexives permettent souvent de repérer des leviers concrets d’amélioration.
Autogestion et organisation : vers une approche intégrée
L’épisode met en lumière l’importance d’arrêter d’opposer :
➡️ le travail sur soi
VS
➡️ les interventions organisationnelles.
Pour Simon Coulombe, les deux se renforcent mutuellement.
Il cite d’ailleurs les travaux sur la sécurité psychologique et le job crafting, qui montrent comment les employés peuvent ajuster certaines composantes de leur travail… à condition que l’environnement leur en donne la possibilité.
C’est cette vision croisée — individuelle et organisationnelle — qui ouvre la voie à des pratiques réellement efficaces.
Pourquoi écouter cet épisode ?
Parce qu’il permet de :
- prendre du recul sur nos représentations de la santé mentale,
- comprendre ce que signifie réellement “être acteur de sa santé mentale”,
- repérer les dérives possibles (injonctions, culpabilisation),
- mieux articuler prévention individuelle et prévention organisationnelle,
- identifier des pratiques simples, applicables immédiatement.
Un épisode particulièrement utile pour les DRH, managers, professionnels de la QVCT et toutes les personnes engagées pour un mieux-être durable au travail.
